15-05-06 - Juste pour jouer à tomber

Sven voulait aller à la pêche. Du bord du lac où on s'était installés on a vu le soleil se lever et j'ai demandé à Lou et Sven s'il était absolument nécessaire de venir à cette heure si matinale, "Est-ce que les poissons ne dorment pas, eux aussi ?". Lou m'a dit qu'elle répondrait quand j'arrêterais de râler et que je saurais construire une question sans erreur de syntaxe. Après l'avoir fixée dix secondes sans rien dire j'ai rabattu les lunettes de soleil modèle Chips sur mon nez et les mains croisées derrière la tête j'ai fait une sieste, leur demandant de ne pas me réveiller. Plus tard dans l'après-midi le soleil nous a tanné la peau et Sven a piqué une tête dans le lac. Je souriais d'un air niais en regardant le ciel alors Lou m'a demandé "Pourquoi tu ris ?". Je lui ai dit que je pensais au week-end dernier, et au comportement souvent déroutant de Maxine. À sa façon d'être si insouciante et imprévisible. J'ai raconté le feu rouge qu'elle a voulu griller alors qu'une heure plus tôt elle ne voulait pas dépasser le 80 km/h par peur de la vitesse. J'ai raconté aussi comment je m'étais retrouvée avec des traces rouges d'indien sur les joues, et comme ce week-end m'avait laissé l'impression d'une semaine de vacances. Lou a dit qu'il faudra solliciter Maxine pour le prochain film de Sven, et que je devrais la voir plus souvent, parce que "ça a l'air de te rafraîchir la tête", elle a dit.

08-05-06 - Nos vies sont parallèles (Et je me barre quand tu dis Dégage!)

"I worry, I wonder all the time why worry ? It's killing me, forget about it."
(The all american rejects - Why worry)

Fais claquer tes doigts et tes mains, on fera pour le reste comme si de rien n'était, en dansant en grands cercles sous la pluie les pieds nus. Les pandas défileront dans la rue en nous faisant des signes mais nous ferons semblant de ne pas les reconnaître et le fond sonore joyeux sera remplacé par quelques notes de piano triste pour évoquer la douleur de la séparation, du déchirement et la petite ironie de toute cette histoire. Tu préférais les hippopotames (en tutu si possible). Et moi tout ce que je savais faire pour toi c'était passer le balai, ou parfois l'aspirateur. Se réveiller inutile un beau matin et se demander ce qu'il aurait fallu faire et est-ce qu'on aurait réellement pu changer des choses et en éviter d'autres en agissant autrement ? Police, follow me. Police, follow me. La nouvelle maison dans la prairie attend tranquillement que j'aille y élire domicile et parfois je me demande pourquoi tu ne me parles pas, de ce qui compte vraiment je veux dire, ou de ce qui ne va pas. Tu/Je/Tu dis. Nous disions donc ... comme si on pouvait encore s'en rappeller, de tout ce qu'il y a déjà eu. Moi tu vois ma mémoire est friable et je l'ai un peu trop écrasée contre des nuits sans sommeil ces derniers temps. Alors j'essaye de retrouver des souvenirs sur les mots du frigo, mais ça n'est pas très concluant. On a voulu vous dire qu'on était heureux pour vous si tout allait bien mais vous ne connaissez même pas ... n'avez jamais vu non plus ... ne savez pas grand chose de nous en fin de compte. Ba ba ba baba. C'est un soir comme en été mais les vacances sont encore loin, ça reste clair jusque tard et l'air est tiède et Lou me tire par les bras et dit qu'il ne faut pas s'étendre au milieu de la route, même pour rire, parce que des voitures passeront quand même peut-être. Et alors je me lève et je lui donne une tape sur la tête en riant avant de courir vers la maison en lui demandant ce qu'elle veut boire comme apéro, et elle répond "Comme toi. Toujours comme toi."

04-05-06

Et moi j'ai toujours su que non.
Tu es occupée à chipoter avec tes cheveux et une paire de ciseaux, tu les passes par petites mèches entre tes doigts et tu les scrutes tellement bien que tu en louches. Evidemment je souris un peu, mais pas trop fort, mon état ne le permet pas. Je m'endors et me réveille au minimum quarante-deux fois par journée, comprenez par là matinée/après-midi/nuit. Je n'ai plus aucun cycle, j'ai déréglé mon horloge interne. Je ne sais pas quel jour on est, ni quand se fait quoi. Je me nourris uniquement quand mon estomac le réclame à grands cris. Et je ne fais rien. Qu'observer les choses se passer autour de moi. Bien sûr que tu t'inquiètes, je n'ai ni ouvert un livre ni touché un bic depuis ... ah ben oui, je n'ai plus de notion du temps, comment je pourrais savoir ? Alors de temps à autres tu surgis dans la chambre, et tu squattes, tu t'occupes. Gentiment. En silence. Nous n'échangeons plus un mot, depuis la dernière dispute. Oui, celle-là. Quand j'avais dit que si tu faisais ça je me laisserais aller jusqu'à la fin de la pente. Et tu sais très bien que j'ai une obstination à toute épreuve, pas vrai ? PAS VRAI ?!

24-04-06

Quand j'ai expliqué la situation à Lou elle m'a dit que je ne pouvais m'en prendre qu'à moi-même et que je ne devais pas penser que tout le monde pourra toujours me supporter et passer l'éponge comme elle le fait depuis si longtemps. Tout en continuant à me taper la tête contre le mur je lui ai dit que je voudrais que tout s'arrange et que pour une fois au moins rien ne merde. Au vingt-troisième coup je suis tombée par terre inconsciente, et à mon réveil une vidéo de Lou un livre en mains tournait en boucle sur la tv :

"Personne ne veut voir ses problèmes résolus. Ses drames, ses égarements, ses histoires réglées, sa vie débarrassée de ses merdes. Sinon, que resterait-il à tout un chacun ? Rien que l'inconnu, ce vaste inconnu qui fiche la trouille." (Chuck Palahniuk - Survivant)

06-04-06

And maybe you should sleep
J'étais encore en train d'occuper une nuit sans sommeil quand Maxine est entrée dans le salon sur la pointe des pieds et s'est accroupie à côté de moi. Assise en tailleur à même le carrelage j'observais mon puzzle 5000 pièces d'un air suspicieux. Après de longues minutes silencieuses j'ai tourné ma tête cernée vers Maxine et je lui ai dit que ce n'était pas possible, qu'il fallait vraiment m'en vouloir beaucoup pour avoir pris la dernière pièce manquante du puzzle. Maxine a répondu que je ferais mieux de débarrasser le sol du salon et d'aller me coucher. J'ai protesté en disant que je ne bougerais pas de là tant que. Pas le temps de finir ma phrase qu'elle pose délicatement la pièce manquante à son emplacement. Elle fixe ensuite ses yeux bleus dans les miens et alors que je pensais avoir encore droit à un sermon elle sourit gentiment et ne laisse échapper que trois mots : "Va te coucher".

20-03-06

J'étais plongée dans mes théories de Monopoly depuis la veille au soir, sirotant à tour de rôle des Ricards et du jus de betterave rouge, quand la porte de la chambre à côté de la mienne s'est finalement ouverte. Lou, visiblement heureuse des 15 heures de sommeil qu'elle venait de s'offrir, est apparue dans ma chambre en pyjama et m'a dit d'une petite voix toute calme "Tu sais, je ne vais pas t'aider pour ton déguisement de carnaval cette année. Tout ce que tu dois savoir tient sur ce bout de papier, et le reste dépend uniquement de toi." Elle froissera ensuite ledit papier en une petite boulette qu'elle me jettera au visage de façon enfantine avant de descendre tranquillement à la cuisine boire son café du matin. Sur le papier que je défroisse, de petits mots écrits en italique, et la solution à mon problème : L'efficacité du déguisement dépend en grande partie des modifications que le personnage apporte à son apparence normale.

17-01-06
écrit le 10-05-05


Comme si un jour on pouvait
se réveiller la mémoire vierge
Moi tu vois j'ai pensé à toi
à une soirée qui n'avait rien à voir
J'ai revu la bataille d'oreillers à Lille
et cette soirée aussi terrible
qu'inoubliable de Bruxelles
Je voudrais tant que tu reviennes
(Parfois)

25-12-05

Allongée sur le dernier transat de la terrasse, des lunettes de soleil sur le nez, je buvais tranquillement des liquides défendus en attendant que tu rentres du boulot. Tu te souviens ?
Lou ne répond pas, elle me lance juste un anorak de ski sur la tête et me dit que je devrais arrêter avec tous ces enfantillages tardifs.
La neige tombe sur moi depuis deux bonnes heures maintenant, et mes lèvres virent au bleu. Mais j'arrive encore à faire des bulles de salive.
Je pense à l'été jusqu'à m'en rendre malade, chaque seconde, chaque geste sont répétés dans ma tête plus d'un millier de fois par jour. Le vélux de la salle de bain s'ouvre et une voix crie "On ne revient pas en arrière, c'est comme ça ! maintenant rentre avant d'attraper la mort (et va ouvrir ton cadeau)". Je serais bien restée ainsi jusqu'aux étoiles si une envie urinaire n'avait pas ruiné mon spectacle. Je me lève et éteins la caméra plantée dans l'herbe blanche. Mes pieds nus font craquer la neige et me raccompagnent à l'intérieur. Lou ne dit rien, elle emballe un petit rectangle de papier auquel je ne prête déjà plus attention. Les cadeaux attendront, je n'aime pas Noël, et un bain bouillant m'attend.
Les k7 de cette journée iront rejoindre toutes les autres, accompagnées d'une mention différente : "Transat in wintertime 25.12.05".

24-08-05

Mon index faisait des allers et retours entre ma bouche et le pot de moutarde depuis plus d'une demi-heure quand Lou est entrée dans la cuisine. Je me demandais quel élément précis donnait un goût si fort à cette mixture jaunâtre, mes yeux étaient injectés de sang et mon nez coulait. Mon regard était perdu dans le vide. Lou a retiré le pot de la table pour le ranger dans le frigo, puis elle a passé un mouchoir en papier sur mon nez et a claqué des doigts à plusieurs reprises pour capter mon attention. Quand je suis revenue à un état de conscience plus ou moins normal elle m'a dit :
"L'avenir est incertain, et peut-être qu'on y perd tous un peu la tête dans ce merdier, alors prévois. Vis avec et PRÉVOIS."
Après cette discussion j'ai fait des crises d'angoisse jusqu'aux petites heures du matin, me tapant la tête contre les murs et répétant inlassablement que j'avais besoin de 3 mètres de toile isolante.
3 mètres de toile isolante. Au moins.

15-06-05

Je marmonnais depuis deux heures des choses incompréhensibles
en déambulant les yeux mi-clos sur l'autoroute déserte
Tu m'avais dit de ne pas marcher
trop longtemps les pieds nus
(j'avais jeté un peu plus tôt mes chaussures dans la rivière)
Rien que pour te déplaire
j'aurais pu faire toute ma vie ainsi
à boire jusqu'à l'excès d'ivresse
et sans arrêt te contredire
J'ai fini par tomber dans l'herbe
un peu plus loin sur le bas côté
et je suis restée là, étendue
sans plus vouloir m'éveiller
(Et quand tu t'es mise à rire, j'ai commencé à pleurer)

30-05-05

On crachera notre pop-corn dans de grands éclats de rire
et je te dirai que je n'ai jamais
aimé la couleur de tes chaussures
Tu me regarderas de travers pour essayer de savoir
s'il faut prendre ce que je dis
avec humour ou pas
Je te dirai que c'est pareil
que j'en ai rien à faire
Avant de tomber de fatigue
dans la douceur des draps.

26-04-05

HA HA HA !
Je sais bien, j'ai eu un rire horrible juste avant de tomber en avant et de m'ouvrir le front sur le coin du mur. Le pire c'est que je ne me rendais plus compte de rien et que j'ai continué à dire et faire n'importe quoi comme si tout allait au mieux. Devant vous tous, avec vos visages horrifiés de voir le mien couvert de sang.
On aurait pu éviter ça.
"On aurait pu éviter ça" tu me dis en appuyant de toutes tes forces un vieil essui de vaisselle contre la plaie. Je ne voulais pas de points de suture parce que je ne voulais pas d'hôpital, si tu te souviens. Et oui, tu m'as dit dix mille fois que j'étais têtue et bornée mais non, ça n'a rien changé. Cette fois je ne t'ai pas fait de fausses promesses, je n'ai pas dit que ça n'arriverait plus.
J'ai juste dormi dehors sous la pluie, parce que je sais que je ne changerai jamais.
Autant mourir d'une pneumonie.

03-03-05

J'ai attrapé un rhume à force d'attendre dehors que tu viennes m'ouvrir la porte.
J'avais oublié que tu n'habitais plus là ...
Les choses sont si différentes à présent, si tu savais. Je ne fais plus beaucoup de cauchemars mais si tu veux tout savoir, je crois que ça me manque. Oui. Ça me remplissait la tête de choses que les gens ignoraient, c'était réconfortant. Ce serait bien, si tu reçois ce mot, que tu viennes faire un tour, voir comment je m'en sors. Sans toi. On ressortira le vieux cyclomoteur bleu et on ira se boire des grenadines, ou bien on étranglera des grenouilles avant de se lancer des cailloux.
Ce sera bien, ce sera l'été.
Et ça n'aura plus de conséquence fâcheuse alors, que j'oublie mes clés à l'intérieur.

30-12-04

Mon bureau est désert, ses seuls habitants sont un cadre avec une photo de Rimbaud à l'intérieur et une boîte de Vicks Blue aux 3/4 pleine. J'écoute le silence qui règne dans la pièce, aucun tic-tac irritant, les vitres sont parfaitement isolées, le Defanyl a fait taire tout ce qui se passait dans ma tête depuis des mois; c'est le calme. Ca-l-me. J'articule paisiblement ce mot sans le dire à voix haute lorsque Lou entre dans la pièce, me sort de ma léthargie.
- On est fin décembre et t'as encore rien écrit, qu'est-ce que tu fous ?
- Pardon ?
Elle brandit un cahier de notes que j'ai acheté le mois dernier et dont toutes les pages sont vierges. Je soupire. J'hésite à lui parler de mon besoin de netteté, de propre, de silence. Si ils ont fait table rase dans ma tête, pourquoi n'aurais-je pas le droit d'appliquer ça à tout le reste ? Je dis :
- Je n'ai rien écrit dans ce cahier, il faut le garder propre, tu comprends ?
Mes yeux sont vides et fixent le mur mais je n'y peux rien, je ne commande plus ce genre de choses, je ne fais que subir. Parfois dans un moment de lucidité je réalise que je ne fais rien, jamais, je suis assise là devant ce bureau désert et j'attends. Sans même savoir quoi. Et maintenant en plus il faudrait que ce soit de ma faute. Je me mets à rire d'un rire stupide et automatique, Lou me jette le cahier à la figure avant de partir en pleurant.
Je vois tout, mais je ne peux rien faire.

27-11-04

Je me souviens que je m'étais accrochée à son imper des deux mains, j'étais couchée à plat ventre sur le sol et elle qui me traînait, je lui faisais peur, elle voulait s'en aller, elle ne savait plus me regarder, elle disait "Arrête ! arrête!" et aussi "Tais-toi, ça suffit maintenant !". Moi je pleurais et je gueulais aussi fort que possible "Reprends-moi dans ton ventre ! J'ai rien demandé !". Et rien ne pouvait m'empêcher de crier "Maman maman maman maman" à l'infini, malgré ses coups de talons dans les côtes, malgré les mains blanches qui me retenaient déjà et me tiraient vers l'arrière. C'est ce jour-là que ma mère a commencé à avoir peur de moi. Je l'ai vu dans ses yeux, j'ai vu le dégoût et la crainte sur son visage. Et son attitude si effrayée. Elle ne voulait que me laisser là et partir. Coûte que coûte. Alors, oui. Je crois que c'est en me rendant compte de cela que j'ai lâché prise. Je n'avais plus de maman. Elle ne voulait plus de moi.
Lou me tend un paquet de mouchoirs que je refuse, je ne pleure pas. Elle me fait signe du doigt en montrant son nez, et là je sens le liquide rouge arriver. Elle connaît mes réactions par coeur, elle me connaît mieux que moi. Parfois je me demande si elle ne m'a pas inventée.

04-11-04

On m'a dit "C'est ça ou tu pars".
Il n'y avait aucun choix là-dedans. Partir pour aller où ? Notre planète est si petite qu'en tendant le bras à droite on arrive à se toucher le nombril par la gauche. C'était ridicule. J'ai dit "C'est ridicule". Ils n'ont rien répondu.
Il fallait s'en douter.
J'ai demandé à voir Lou, ils ont fait "Non" de la tête. J'ai voulu franchir la porte en courant, deux gorilles m'en ont dissuadée. J'ai regardé autour de moi, des tas de fenêtres donnaient sur la pièce. ILS m'observaient. Je sentais leurs yeux posés sur moi, sur mes lèvres, sur ce que j'allais dire. La Réponse, ils voulaient la Réponse.
C'est ça ou tu pars, c'est ça ou tu pars, c'est ça ou tu pars. Leur petite phrase de merde faisait des échos dans ma tête, j'en avais la nausée. Tout autour de moi, les vitres s'embuaient au rythme de leur respiration, c'est là que j'ai pris conscience du nombre. Beaucoup trop. ILS ne veulent pas que je parte, ILS veulent me forcer à rester, c'est une conspiration. Et mes mains deviennent moites, je sue à grosses gouttes, j'ai du mal à respirer. Mais qu'est-ce qui m'arrive ?
Je crois que je deviens parano.
Je me réveille quand la musique cesse, mes tympans sont douloureux, et pour cause : j'étais endormie sur une baffle. Tout le monde est parti, reste quelques courageux qui s'activent à nettoyer la salle.
Lou s'approche de moi et me tend une bière d'un air décidé, ses yeux plantés dans les miens : "Il faut soigner le mal par le mal."

09-10-04

Elle sort de sa poche un paquet de violettes, ou ce qu'il en reste, en extrait les trois derniers morceaux de sucre mauve et les pose devant elle, entre nous, sur la table.
Elle les considère un instant avant de lever les yeux sur moi :
"Voilà le temps de parole qui t'es imparti, ni plus ni moins"
Elle attrape la première violette qu'elle glisse dans sa bouche, croise les bras et me fixe, on ne peut plus attentive.
Tout s'entrechoque dans ma tête, par quoi commencer ? Il va falloir faire vite.

07-09-04

Tu te souviens ? c'est le jour où j'ai dû sauter par la fenêtre parce que tante Olga nous avait enfermées dans la chambre, on avait jeté le chat dans la piscine. Tu te souviens ? après je suis remontée par l'intérieur pour t'ouvrir la porte, en sautant à cloche-pied parce que je m'étais foulé la cheville en atterrissant. On devait avoir 6 ans. Tu te souviens ? LOU ! TU TE SOUVIENS ?!
Mais Lou ne me répond pas. On est coincées dans cet ascenseur entre le dixième et onzième étage depuis une éternité il me semble. La panne de courant est généralisée dans toute la ville, plus rien ne bouge, aucune alarme, on ne sait prévenir personne et personne ne se préoccupe de nous. Lou est claustrophobe, Lou s'est assise par terre il y a deux heures en paniquant et en disant qu'elle manquait d'air, que ça n'allait pas. Lou ne me répond plus depuis trente minutes, Lou a le visage pâle et les yeux fermés et je crois qu'elle ne m'entend plus. Les claques n'ont fait que laisser des traces rouges sur ses joues et son pouls est faiblard. Ma gorge est tellement sèche que je ne sais plus crier, mes mains sont en sang à force d'avoir essayé d'escalader les parois, d'avoir tambouriné sur les portes, encore et encore. Mais il n'y a rien. Juste le silence, ce qu'il reste de Lou. Et moi.

29-08-04

Ecoute-moi quand je te parle, regarde-moi, où tu vas ? reste ici, assieds-toi, je te parle !!
arrête-toi immédiatement, reviens ! ne fais pas ça ! je te préviens si tu ...
Ordres, avertissements, interdictions, menaces, j'ai tout abandonné à l'intérieur et j'ai bien pris soin de fermer la porte derrière moi. Sur la luge abandonnée là depuis l'hiver j'ai posé mon dos et les deux mains derrière la tête j'ai contemplé les nuages, ou en fait le temps qui passe, rien ne représente mieux le temps que des nuages défilant dans le ciel. Mais voilà, on m'a empoignée, mes pieds ont quitté le sol, puis on m'a jetée à terre, le goût de l'herbe s'est insinué dans ma bouche, on m'a ramassée et secouée. "Sinon quoi ? sinon la pulpe elle reste en bas ?" j'ai gueulé de toute ma rage; on m'a fait taire avec une baffe violente qui m'a ramenée au sol. Les bourreaux n'ont pas le sens de l'humour. Une seconde pour reprendre mon souffle et comprendre ce qui m'arrive. Les vieux démons ne nous lâchent jamais. Quand j'ai voulu courir, la panique avait fait son nid dans mon estomac, mes pupilles s'étaient mises à couler, mes nerfs s'étaient cisaillés. J'ai compris qu'on me rattraperait toujours et c'est là que, à la tête, un coup fort, avec ... oui, la luge, je crois. Puis le noir.
J'ai toujours eu peur du noir. Vous savez, les vieux démons ne ...

18-08-04

- Lève-toi et marche !
D'un coup de main violent Lou arrache la couette qui me couvre, me signifiant ainsi que j'ai déjà trop dormi. Dans quelques heures il faudra prendre le train pour rejoindre la capitale, de là un combi vous mènera au lieu de l'anniversaire. Sur le carton d'invitation qui n'a pas été envoyé il est écrit "Apportez à boire et à manger".
C'est là que je me lève en sursaut : Merde ! j'suis encore à la bourre.
Trop de choses à faire en trop peu de temps mais malgré son côté ennuyant à mourir je serai contente de poser à nouveau mes fesses dans ce bon vieux train. Je prépare mon sac à la hâte et me retourne sur Lou, statique, observant le bon déroulement des opérations.
- Qu'est-ce que ... dépêches-toi, on va le rater !
- Tu vas y aller sans moi cette fois, ils ne comprendraient pas.
Crise de spasmophilie, la panique me gagne. Lou me tient la tête en arrière et me fait avaler une dizaine de comprimés. Avec ça tout ira bien. Normalement. À travers la vitre, de l'intérieur du train, je regarde Lou, immobile sur le quai, et j'aperçois alors la cruauté de mon geste. Ça claque dans ma tête comme un oeuf sur le carrelage : aujourd'hui j'ai oublié son anniversaire et je la laisse en plan pour aller retrouver des gens que je lui préfère. Je n'aurais jamais cru ça possible, elle non plus je pense, parce qu'au moment où le train se met en marche elle court le long du quai, crie mon nom, secoue les bras et pleure. Qui sait si à mon retour ...
Je passe en mode normal et m'assoupis, mon autre vie bloquée sur pause.

09-08-04

Quelqu'un m'arrête juste avant que je ne mette les doigts dans la prise.
Étalée de tout mon long sur la surface crasseuse du plancher mon bras n'est plus qu'un fil conducteur décidé à me réanimer par électrochoc.
"La soirée n'était pas trop longue, la soirée a commencé trop tôt", je balbutie.
Une main essuie la bave qui s'accumule aux coins de ma bouche pendant que deux autres m'attrappent les chevilles et me déplacent par glissement sur une bonne trentaine de centimètres. Là il me semble reconnaître une voix familière mais encore, je n'en suis pas sûre. Mes paupières s'alourdissent, des baffes s'écrasent sur mes joues. De l'extérieur je verrais sûrement des gens me secouer, d'autres crier, se mettre la main sur la bouche et faire non de la tête, puis je verrais Lou, jambes croisées sur une chaise dans le coin extrême droit de la pièce, contemplant la scène avec un calme olympique.
Quand je reviens à moi la pièce est vide, je suis allongée sur le dos, les bras en croix et les néons du plafond brûlant mes rétines. Même cligner des yeux fait mal. Je tourne la tête autant que possible et constate que tout est impeccable, à part moi.
Une clé dans la serrure, les pas de quelqu'un qui s'approche mais reste en-dehors de mon champ de vision. La voix de Lou, si amère et désolée que je peine à l'identifier : "Il va falloir partir cette fois, il y a eu des plaintes."
Alors je devine, je sais.
Qu'il ne s'est rien passé, que c'était une autre crise. Qu'il n'y avait que moi.
Encore.

05-08-04

- Et si c'était à refaire ?
Je tourne mes yeux tristes et perdus vers Viviane S., psychologue de son état.
Je n'ai pas envie d'y repenser une fois de plus, de réciter encore et encore ma litanie habituelle dont la conclusion sera éternellement "C'était mieux avant".
- Ici tu ne peux pas te lever et sortir, est-ce que ça te met mal à l'aise de devoir affronter une discussion ? de ne pas pouvoir fuir ?
- Je sais bien que tout n'est pas toujours comme je l'imagine, dans la réalité il y a des défauts.
Les mots de Lou sortent de ma bouche, je la revois encore très exactement me dire ça puis quitter la pièce, la maison, la ville. Se tailler en vacances avec les autres en m'abandonnant à moi-même.
J'observe les traits du visage de ma psy et ajoute avec un ton décidé "Il va falloir que je l'accepte".
Court silence entendu.
- C'est très bien, tu es enfin en phase d'acceptation, nous allons en rester là pour aujourd'hui.
"Encore trois séances" je me répète, encore trois séances à faire l'hypocrite, faire croire que je veux bien aller mieux, que je comprends tout, que j'accepte, que ce n'est rien, que je m'y ferai.
À moi, ma tête, mes obsessions, mes débordements, mes crises de nerf, tout le bordel.
"Encore trois séances et on ne me revoit plus."
"Personne."

23-07-04

C'est perdu et c'est pour toujours ...
Les mots résonnent fort dans la maison vide. La chanson en mode repeat depuis des heures et moi allongée sur le dos, fixant le plafond, essayant de garder les yeux ouverts le plus longtemps possible sans battre des cils. Je n'arrive toujours pas à croire qu'ils soient partis sans moi, Hugo, Alice, Lou, tous les autres.
"C'est pour ton bien, il faut que tu apprennes à t'assumer".
Ben tiens, comme si c'était si facile. Je n'arrive pas à me lever, d'ailleurs je n'en ai pas envie. Je les imagine une semaine, eux tous, sans moi, sans moi qu'ils n'ont pas voulu emmener. Soudain les larmes jaillissent et un cri étouffé sort de ma bouche comme une balle perdue, que l'écho de cette maison VIDE me renvoie.
Je commence à crier "je n'ai jamais menti, je n'ai jamais menti, je n'ai jamais menti!!"
On me retrouvera en fin de journée couchée à même le sol en position foetale, de la bave aux lèvres et les yeux fixés sur le mur d'en face. Une semaine à l'hôpital, voilà ce que ça aura donné de devoir apprendre à m'assumer. Je ne suis pas loin de la haine.

13-07-04

Lou entre dans la cuisine et découvre mes mains maculées d'encre noire, la même qui a remplacé l'eau dans l'aquarium de son poisson rouge. Visage horrifié.
Je lâche en guise d'explication "Il me regardait fixement."
Grande colère, Lou se met à crier :
"Pas ça, ne recommence pas ça ! Arrête de reproduire des extraits de films dans la réalité ! ça ne devait plus arriver, tu avais promis."
Ma mémoire d'amnésiaque est de retour, mes sourcils se froncent en signe d'incompréhension.
"Mes torts #8254-8249 & 117 de Chris Morris, premier plan". Lou est certaine de ce qu'elle avance.
Je réfléchis un court instant et ouvre de grands yeux en réalisant ce que je viens de faire mais pas le temps de m'excuser, Lou s'approche de moi un couteau à la main ...
Je me réveille en sueurs, haletante.
Hugo assis sur une chaise à côté du lit, d'un ton rassurant "Encore un cauchemar, ce n'est rien, encore un cauchemar."
S'ensuit une longue discussion au cours de laquelle il m'apprend que je n'ai pas quitté mon lit depuis une semaine et qu'ils se relayent avec Lou pour me veiller, parce que j'avais tendance à confondre cauchemars et réalité. Je lui explique que je me sens perdue, trop loin de moi, que je ne sais plus, que j'aurais besoin que tout s'arrête. Il dit "Tu peux disparaître quand tu veux, mais ça n'y changera rien, et on préfère quand tu ... "
Je n'entends pas la fin, déjà mes paupières se referment.

07-07-04

Elle est toujours d'accord.
Elle est toujours d'accord Lou, quand il s'agit de moi.
Je suis rentrée à la maison d'un pas plus décidé que jamais et je lui ai lancé "Prends tes affaires, on s'casse". Pas surprise elle a posé sur le canapé en velours son Dostoïevski déjà trop entamé et elle s'est approchée de moi, "Il était temp que tu reviennes, j'commençais sérieusement à m'emmerder".
Ça ne fait que deux jours.
Deux jours à parcourir les rues, à prendre des trains, à faire du stop, rendre visite à des fantômes, des gens qui ne m'attendaient plus. Hors du circuit, j'ai été absente trop longtemps.
Hugo. "J'suis passée voir Hugo", je dis.
Lou se fige et lève doucement la tête, ose un délicat "Et?"
"Et rien, quand après tout ce temps je me décide enfin à aller lui parler et arranger tout ça il n'est pas là. Alors voilà, je suis libre, tout le monde m'a oubliée Lou, je peux tout recommencer de zéro et renaître, ce sera neuf, tout redevient possible. Mais avant ... il faut partir."
Je souris, je suis enthousiaste, prête à bouger n'importe où, d'une énergie débordante. Je n'ai plus été comme ça depuis des années. Depuis l'engourdissement, la somnolance.
Je sens que Lou est partagée, elle cherche ses mots, hésite à parler même puis avec un regard un peu désolé elle m'explique calmement "Tout n'est pas toujours comme tu l'imagines tu sais, dans la réalité il y a des défauts".
Le silence pèse lourd tout à coup. Et tout se fige en moi, mes épaules tombent, ma tête suit et je sens que tout s'effondre, je m'assieds par terre en tailleur, la tête entre les mains. Les larmes font un aller direct de mes yeux au plancher, la boule dans ma gorge m'étouffe et je geins à répétition "J'ai besoin d'aide Lou, je crois que j'ai besoin d'aide".

11-06-04

Je t'ai poussé dans la piscine
Tu étais tout habillé
Tu m'as regardée sans rien dire
Un peu ému
Les yeux rougis par le chlore
On avait 17 ans
Quand on en avait 5 je t'avais dit
"Je serai jamais amoureuse de toi
Comme je te pousserai jamais dans une piscine
tout habillé
Ce serait ridicule"

11-06-04

- Ce n'est pas ...
J'ai avalé ma salive avant de reprendre :
- Ce n'est pas l'Important.
- Ah non ? C'est quoi alors ?
Ce ton de reproche qui lui va si bien, Lou, encore et toujours.
Entre victime et bourreau, ce rôle qu'elle a trop bien appris.
Je lui rends la vie impossible paraît-il ces derniers temps, d'ailleurs elle ne comprend pas comment je peux supporter ça. Et pourquoi avoir refusé cette proposition de co-écrire avec un auteur reconnu alors que j'avais largué tout le reste pour ça, elle pensait, écrire.
Trois silences, mon estomac se tord, je refuse de manger depuis deux jours.
Ne voulant pas m'embarquer dans des discussions sans fin je monte dans ma chambre sans plus souffler mot. Comment lui dire que des choses ont changées, que je voudrais que ça redevienne comme avant?
Elle ne m'entendrait pas.
Sur le lit se trouve un mot que je déplie quand la porte d'en bas claque.
Une légère angoisse m'envahit, mes yeux ont peur de découvrir l'impensable.
Grande inspiration, je baisse la tête sur son écriture :
"Je savais bien, je te connais par coeur. Je suis juste partie acheter des citrons, ne t'inquiète pas, je reviens vite."

05-05-04

On venait de lui casser la jambe gauche, il avait un cran au sourcil droit et du sang coulait de sa bouche, il s'en était pris plein les dents. Elle ne l'a regardé qu'une fraction de seconde, sans pitié aucune, on pouvait lire dans ses yeux tout le mépris qu'elle avait à son égard. Il voulait la "sortir de là" alors qu'elle voulait juste qu'on lui foutte la paix. En le laissant là sans rien dire ni rien faire elle est entrée dans le bar. Une clope collée à son rouge à lèvres noir elle est allée s'installer à sa table habituelle. Celle juste en face du vieux pianiste alcoolique. Pour ne rien manquer du spectacle.

18-04-04

- T'as pas le droit!
Le droit de quoi en fait? Pour une fois c'est elle qui s'enfuit et c'est moi qui reste. Je me lève tout de même pour aller tourner la clé dans la serrure, on m'a assez pris la tête pour aujourd'hui. Je lance un cd de Bach sur la chaîne, m'assois dans le fauteuil et reprends ma lecture là où je l'avais laissée quand elle est entrée dans la pièce. Comme une furie. Mademoiselle Lou n'est pas contente, je me suis absentée deux jours sans prévenir, sans emmener mon téléphone, rien. Pas donné signe de vie. Elle a eu peur. Que je ne revienne pas?
- Peur de quoi? Que je ne revienne pas?, je lui ai hurlé de colère.
Tu sais très bien que je n'ai nulle part où aller.
Mais j'avais besoin de souffler, d'air. D'ailleurs. Alors à l'aube j'ai pris le train et j'ai passé deux jours à la mer, une nuit dans un hôtel miteux. J'ai lu, j'ai écris. J'ai observé les gens sur la plage. Fait le jeu des 42 différences entre eux et moi. J'ai compris.
- Oui mais il fallait me prévenir, me tenir au courant, merde!
Je laisse le silence lui répondre que c'était plutôt à elle de deviner. De se douter. Bref, de savoir. Je voulais juste r-e-s-p-i-r-e-r. Maintenant la voilà qui fait une crise, qui fond en larmes, qui ne comprend rien. Alors tout ce qu'elle trouve à dire c'est ça.
T'as pas le droit!

09-04-04

Tu t'es mis à pleurer parce qu'en cette après-midi pluvieuse tu te serais bien vu dans le vieux canapé bordeaux à regarder Téléchat, mais ça n'existe plus, ni l'un ni l'autre. Le vieux Commodore 64 est remisé depuis longtemps au grenier et les bébés n'aiment plus qu'on leur offre des Duplo pour leur anniversaire. Comme un gosse tu t'es blotti contre moi en disant qu'aujourd'hui tu donnerais n'importe quoi pour les porter, les vieilles pantoufles de gym blanches avec ce gros élastique hideux à l'avant. Que t'as envie de revivre l'excitation ressentie lors de la coupe du monde de '86 à Mexico, que tu revois d'ailleurs très bien Maradona tenir le trophé. Et les albums d'autocollants Panini. Que tu referais bien des scoubidous de toutes les couleurs et que tu ressortirais bien le pickup pour écouter des 33 tours. Tu voulais la vieille moquette de l'appartement, tes parents encore jeunes et minces comme un fil avec une allure de hippie et leur vieille Simca bleue que tu croyais sortie d'un Starsky et Hutch. Tu voulais des toupies, des pannes de courant et des tempêtes comme il n'y'en avait qu'avant. Quand tu faisais des cabanes de toutes sortes avec les coussins du canapé. Et je n'arrivais pas à te calmer. Alors on a ressorti la vieille cassette de Karaté Kid, on s'est emmitouflés dans de vieux gilets trop grands que ta mère avait tricoté quand on était pas encore nés, on a mangé des Twix dont on a maudit les emballages qui ne portaient plus le nom Raider. On s'est dit qu'on allait quand même pas réécouté les disques de La bande à Basile mais qu'on irait bien aux puces, essayer de dégoter quelques vieux Pif gadget et un ou deux vieux Ok Podium histoire de se marrer. Puis j'ai finalement réussi à te mettre au lit en fin de journée, en te racontant une histoire de Tortues Ninja et en te promettant de regarder le lendemain Peter et Elliott le dragon, Robin des bois (Odelali, odelali, la bonne aventure!), ou encore SOS Fantômes. Comme tu voudras, j'ai dit, avant d'éteindre la lumière et de brancher la veilleuse en tête de chien.

08-04-04

Des Miel pops plein la bouche, Sven s'est mis à rigoler de toutes ses forces, décrétant qu'il n'avait jamais rien entendu d'aussi drôle. Sven se fout du quart et du tiers, il est naturel, c'est pour ça que tout le monde l'aime. Tout le monde. À l'exception de Nini Taidaika. Qui préfère les Smacks, et Jim Naïo.

31-03-04

Avec un désinteressement total, je touillais dans la casserole le contenu de mon sachet pâtes bolo lorsque Lou fit irruption dans la cuisine, sa réplique cinglante aux lèvres :
- C'est quoi cette odeur? tu t'es mise à la bouffe pour chiens?
Ni une ni deux j'ai balancé la casserole et son contenu dans la poubelle avant de filer au salon une petite cuillère à la bouche et un maxi pot Gervais fraise à la main.
Hélas pour moi il était dans les intentions de Lou de ne pas me laisser tranquille.
- Franchement si t'essayes de te rendre pitoyable c'est absolument raté. Tu as cuisiné avant-hier un coq au vin et là tu fais semblant de devoir avaler ces merdes en sachet?
- Lou, c'était des chicken wings lourdement arrosées de ketchup curry. Tu étais rentrée dans mon jeu et tu as tout gobé, voilà tout.
Totalement incrédule et pensant que j'essayais une fois encore de me payer sa tête elle s'est empressée d'aller fourrer son nez dans la poubelle où elle a découvert avec horreur les emballages vides et graisseux du fast-food.
- Mais ... mais!
- Tu ne me crois jamais quand je te parle du pouvoir de l'imaginaire, ça t'apprendra, ais-je rétorqué après ma dernière cuillèrée de Gervais.
Quelque chose s'est alors réinstallé en elle, je l'ai vu dans ses yeux, une sorte de, non en fait c'est inexplicable. Elle a juste conclu par "Dorénavant je m'occupe de la bouffe, va écrire."

27-03-04

15h34, sonne le téléphone.
Je me déplace avec toute ma nonchalance vers le petit combiné bruyant.
- Attention, ça pourrait être un piège ...
Je fixe Lou d'un regard las lui expliquant qu'à l'avenir je me passerai de ses réflexions.
Coup d'oeil à l'affichage numérique : Brieuc.
- Oui?
Hésitation au bout du fil, long moment de silence. Je raccroche.
- Qu'est-ce que tu fais? C'était qui?
- Je ne vais pas perdre mon temps à attendre qu'il réponde non plus. De toutes façons c'est fini.
C'est là que Lou va réagir de façon excessive, limite moralisatrice, je le sens venir.
- Tu! tu ne sais rien tenir hein, il faut toujours que tu fouttes tout en l'air?!
- Tu sais comment je suis, je vampirise puis voilà, je n'avais plus rien à apprendre de lui.
Elle secoue la tête mais ne dit rien, elle sait que j'ai raison, d'une certaine façon nous agissons tous de la sorte. S'intéresser à quelqu'un, prendre ce qu'il peut nous apporter et ensuite pourquoi s'emmerder encore d'une carcasse vide?
- Hugo lui n'était jamais à court de matière.
- Je sais bien, Louise, mais Hugo n'est plus là.
Je ne l'appelle par son prénom que quand elle m'exaspère, elle le sait parfaitement et en rajoute une couche.
- Oui, à qui la faute? Note, il n'est jamais trop tard ...
- Tu fais chier Lou, enlève cette possibilité de ta tête une bonne fois pour toutes.
Je tourne les talons et sors, ma mauvaise humeur n'épargnera personne aujourd'hui. Parce qu'évidemment ce n'est pas un jour ordinaire. Il y a tout juste deux ans Hugo et moi laissions s'échouer notre relation sur le coin d'une table (notre table) du London, nos Schweppes à peine entamés. Moi tête de mule les yeux rivés au dehors, lui exaspéré sans doute par mon mutisme s'était levé lentement, avait enfilé sa veste, m'avait suppliée du regard de longues secondes. Je sentais son regard et je n'ai pas bougé. Il est sorti d'un pas lourd. Je ne l'ai pas rattrapé, je ne l'ai jamais rappelé et depuis je feins l'indifférence la plus totale.
Lou a vraiment l'art de me rappeler les mauvaises choses aux mauvais moments.

20-03-04

"Qu'est-ce que je fous dans ce merdier" sont les mots exacts qui sortirent de ma bouche lorsqu'en garant la Jaguar à toute allure Paul renversa une octogénaire dont le sang s'épanchait à présent sur la chaussée.

08-03-04

Après 4 jours d'isolement total dans sa chambre, Hugo est sorti une pile de feuilles à la main. Il s'est dirigé vers le salon où nous campions tous durant ces mêmes 96 heures, attendant avec impatience qu'il nous présente son Oeuvre. Hugo est le génie du groupe, totalement fou de surcroît. Les cheveux plaqués de fatigue, les yeux mauves et cernés, traînant derrière lui une sale odeur de transpiration et d'urine, Hugo s'est avancé sans mot dire vers la table basse alors que toutes les têtes venaient de le contempler descendre l'escalier comme s'il était le Sauveur de l'humanité. Il a déposé délicatement le paquet de feuilles en un geste très lent puis, dans une grimace de dégoût, a prononcé "Je vais prendre une douche". Lucy s'est tournée vers Sven, À toi l'honneur elle a dit. Tous en état de surexcitation avancée nous nous sommes regroupés autour de Sven (bières et chips à foison) et l'avons écouté une heure dix-sept durant nous lire le Scénario de notre prochain Long.
Une nouvelle Histoire était en marche.

05-03-04

- Où vas-tu tous les soirs après minuit ?
La question m'a arrêtée alors que j'ouvrais tout doucement la porte d'entrée, mes chaussures à la main pour essayer de ne pas faire de bruit.
Je suis restée figée quelques secondes sans rien dire, pensant que c'était peut-être le fruit de mon imagination, mais Lou s'est approchée, a refermé la porte et a fixé ses yeux dans les miens que j'essayais tant bien que mal de détourner.
- Viens à la cuisine, il faut qu'on parle -- long soupir --
Alors j'ai pensé "ça y est, maintenant c'est dans la cuisine qu'on parle, on ne fait plus des tentes avec nos couvertures dans les chambres, on doit discuter à table comme des adultes, sans détourner les yeux, sans esquiver les questions ..."
Lou posait son doigt sur l'interrupteur de la cuisine quand j'ai rouvert la porte d'entrée pour me lancer dans la nuit. J'ai couru sans interruption pendant dix minutes, en chaussettes sur un sol humide et rugueux. J'ai couru comme pour fuir alors que je savais pertinemment que Lou ne bougerait même pas, ne viendrait même pas jusque sur la route pour crier mon nom à plusieurs reprises, me demander de revenir.
Non, c'était bien fini tout ça.

20-02-04

- Non, je confirme, c'est impossible.
Alors on a refermé la porte, on n'a plus rien dit et chacun a regagné son coin. C'était préférable.

31-01-04

On aurait pu s'allonger dans la neige sur le toit, composer des reprises déjantées à la guitare électrique, se perdre de nuit dans la forêt, être obligés de s'endormir dans le froid, la peur au ventre, parmi tous ces bruits étrangers et se faire réveiller à l'aube par les première lueurs du jour, on aurait pu faire un concours de mangeurs de tic tac, apprendre à écrire avec nos doigts de pieds, organiser des marathons de constructions en Légo, se déguiser avec les vieilles fripes du grenier, se lancer dans des vidéos expérimentales et photographier nos cils qui tombent ...
Je reprends mon souffle dans ma tête, "On aurait pu ...", puis je me retourne sur la fenêtre, le front appuyé à la vitre, fixant des yeux la course des gouttes d'eau contre celle-ci. Encore deux heures avant le prochain arrêt, tous les jeudis je me trompe de train.

28-01-04

À la première heure de cours, entre Paul et Jean, face à la théorie de la relativité je rends généreusement mes Actimels fraise avalés en guise de p'tit déj'. L'idée n'était peut-être finalement pas si bonne de rester éveillée pour admirer l'éclipse ...

03-01-04

- Et tu crois que si j'viens tu
- Fais pas de projets.
Et avant même qu'elle n'ait rouvert la bouche :
- Fais pas de projets j'ai dit.
Alors Lou se tait, s'étend sur le lit et ne souffle plus mot. J'ai la chance d'avoir une cousine peu contrariante, ce qui est très pratique les jours de gueule.

03-01-04

- Ah oui ...
J'ai répondu machinalement, les yeux fixés dans le vague en mâchouillant un vieux cure-dents. La giffle a été violente et la porte a claqué, c'est à ce moment que j'ai réalisé que tout le monde avait quitté la salle, que mes spaghettis sèchaient dans mon assiette et qu'un filet de sang coulait de mon nez à la table.
Je ne saurais pas vous raconter le reste, sans doute il n'existe pas.


Des livres, de vieilles vidéos qui jonchent le sol, un petit tabouret en bois confectionné de mes mains quand j'avais 7 ans, une vieille paire de gros bas qui occasionellement me sert de mouffles. Et puis quoi?
- Tu veux que je te dise quoi?, j'ai hurlé
Il n'y avait rien eu de véritablement notable de toute la journée, alors tu ne comprenais plus rien. Perplexe. Tu étais entre la colère, crise aiguë, et les sanglots. Comme ça m'énervait, cette fausse léthargie, ton manque de réaction. Et tu n'y comprenais rien, jamais. Alors j'ai repris, quatres tons plus bas, dans un soupir qui faisait ressortir tout mon désespoir accumulé depuis les trois dernières années :
- Tu veux que je te dise quoi? t'as jamais même essayé de comprendre ...
J'ai ramassé une pile de petits cahiers que j'ai fourrés dans un sac qui traînait là, j'ai attrapé ma veste et quitté la pièce. J'espérais bien qu'à mon retour tu ne serais plus là.

29-11-03

- Montre-leur! Maintenant! Sinon tu vas tout perdre ...
Victor et ses arguments, Victor et sa force de persuasion.
Ou plutôt, les faiblesses de Maxine. Quand il s'agit de Victor.
U-N-I-Q-U-E-M-E-N-T
Il lui arrache la précieuse mallette des mains et balance tout à la flotte.
Maxine ne bouge plus, yeux grands ouverts d'effroi et souffle coupé. Essayant de réaliser. La scène passe en boucle dans sa tête, que s'est-il passé putain?! Elle, Victor, les quais de la Seine. Ok. Jusque-là tout va bien.
- Toutes façons c'était de la merde ... nan?
Victor et la provoc', Victor quand il y va fort.
Maxine qui se rend compte, Maxine et ses réactions emportées.
D'abord la gifle et la marque rouge vif imprimée sur la joue de Victor, ensuite sa voix qui va crescendo, ses mains qui deviennent des poings et le cognent.
Dans la mallette, tous les scénarios et débuts de romans de Max', et une lettre, une convocation pour aujourd'hui, 17h, dans une maison d'éditions.
Du moins c'est ce qu'elle pensait.
Sur les quais de la Seine, avec Victor.
- Vraiment, je pense pas que ... Victor c'est de la merde, et si jamais ils détestent?
- Bien sûr que non, ils ont déjà lu une de tes nouvelles, maintenant ils te convoquent!
- Non. Appelle un taxi. Je ne veux plus écrire.
- Montre-leur! Maintenant! Sinon tu vas tout perdre ...
Victor et ses arguments, Victor et sa force de persuasion.
La mallette à la flotte. Qui n'est pas la bonne. Ce que Maxine ne sait pas.
Victor et la provoc', Victor quand il y va fort.

15-11-03

- Je la voyais pas comme ça la vie, tu sais, toutes ces contraintes, ces obligations, tout ce qui nous bouffe jusqu'à ce qu'on n'ait plus le choix, devoir faire comme tout le monde, puis grandir ... quand je les vois tous, qui étaient enfants avec moi y'a pas encore si longtemps, et maintenant là, guindés dans leurs costumes et leurs tailleurs, à faire un boulot chiant, ils ont troqué leur fantaisie, tout ranger dans le grand coffre à jouets, je veux pas de ça moi ...
Elle continue à pleurer et à vider son sac pendant qu'il la serre dans ses bras en regardant le ciel. Evidemment que ça allait arriver un jour, qu'elle allait finir par se rendre compte. Mais bon, on croit toujours que ... foutu espoir!

05-11-03

Si le chat est mort c'est qu'il a sauté du toit
Vers la lune
Ma tête sous les couvertures bien au fond du lit
MAIS
La tristesse dépasse
J'ai froid au coeur

06-10-03

- C'est génial, Marco aussi a horreur du cucu-la-praline, la poésie, tout ça. J'suis trop contente! *Sourire radieux*
- Ok, bon.
Je reste figé un instant croyant que tout m'échappe et qu'on me prie gentiment de sortir, puis je décide de dire mon mot, de m'accrocher encore un peu, parce que voilà, j'aime bien avoir raison.
- Mais parfois c'est bien aussi les gens différents, genre ceux qui aiment la poésie, non?
Je balbutie, j'ai un regard hésitant alors je baisse la tête, la gêne ne met pas 30 secondes avant de m'envahir, je tente de continuer mais ma voix va decrescendo, mes paroles sont presque inaudibles.
- Tu sais, le truc c'est "on s'enrichit par les différences", tout ça là ...
Je titube un rien, pose une main quelque part pour me tenir en équilibre.
- T'as trop fumé. Tout à l'heure tu m'as récité trois poèmes d'Eluard en entier avant de t'effondrer dans le divan, cinq minutes après tu t'en souvenais plus, qu'elle dit.
Je sais que j'attrappe une mine de chien battu à ce moment. J'essaye de me défendre en sortant la pire des banalités "mais nooon, j'ai pas trop fumé", puis je décide de me taire, tout ce que j'ai bu ne m'aiderait pas non plus.
- Ouais, t'as horreur des trucs gnangnan, je dis, capitulant.
J'acquiesce d'un signe de tête avant de regarder la porte, je me dis que j'ai pas envie de me retrouver dehors, cette nuit, dans le froid. Je me dis dans ma tête "Allez, je compte jusqu'à 8, si à 5 elle a rien dit je sors". "Putain, même mes pensées sont saoûles" je me dis juste ensuite.
- 1, 2, 3 ...
Je marque une pause, mon visage devient pâle, je crois que j'ai envie de pleurer, je continue.
- q-u-a-t-r-e, j'articule à voix haute.
Je suis stone de chez stone. Elle soupire légèrement, me prend sans doute en pitié et finit par me lancer sur un ton bienveillant :
- Allez ... va dormir, je ne te réveillerai pas.

21-09-03

Je mange des olives
Tu joues avec tes cheveux
Le chat est à la fenêtre
Peut-être, peut-être ...

12-09-03

écriture automatique

Pour toujours, pour que tous les jours. Passe. Revient.
Shweppes Tonic au goût amer. Les gazelles sont silencieuses.
Ça sent le roblochon. Les papillons sont morts.
Qui est monté sur le toit?
J'entends des sourires Rue de l'Enclave.
Tu bois ma cervelle avec une paille.
Le chien ne porte pas de cravate.

31-08-03

Tu me demanderas à quoi je pense
Je te dirai que c'est le début de la fin
Que si t'as pas mieux comme question,
Tu peux rentrer à pied.
Soupir exagéré. Voix intérieure.
Si tu commences à m'inspirer, on n'est pas sortis de l'auberge.
D'un autre côté, ça m'arrange.
(Sourire en coin)


On peut toujours dire qu'on n'y connaît rien (mais)
que la soupe avait du goût
que le film était bien.
(Pour éviter les larmes)

24-08-03

Sortir des sentiers battus (en neige).
Si tu veux, on pourrait acheter une lampe à huile.
Puis l'allumer. De jour ou de nuit. Les deux?
Il suffirait de demander. Toi.
Tu as bien vu, je mange même les orties.
- Mais tu vois des singes en pulls blancs ...
- Tu déménages bien des pierres!
Sourires entendus. Un partout.

17-08-03

- 'court?
- Pardon?
J'avale ma salive, réarticule sur un ton toujours aussi flegmatique.
- On court?
- Non, tu sais bien ... j'veux juste ... ailleurs.
Assise à terre, les genoux repliés contre la poitrine, elle regarde dans le vide. Attends que je décide à sa place. Je me relève d'un bond, lui tend la main pour la relever à son tour. On monte dans la voiture, train-train quotidien. Amour à emporter. Depuis deux semaines je l'emmène n'importe où. Parce qu'elle sait plus encadrer son paysage, juste ça. Et qu'elle veut rencontrer son Nouveau, aussi. Mais en vain pour l'instant. Ciel bleu Windsor, please. La destination d'aujourd'hui sera anglaise, j'ai décidé. À cause de ses nattes. Je raconte des histoires et je ris dans ma barbe, sourire en coin. Elle fronce les sourcils, ne me comprend pas. Je le vois bien. Puis un sourire vient illuminer sa frimousse, elle joue avec ses cheveux et dit juste "D'accord, mais parle-moi".
- Avec ou sans?
- Avec.
Nous deux on a toujours des dialogues de sourds.
Elle me tape son petit poing dans l'épaule.
- Et t'appelles ça romancé?
- C'est le contenu qui compte. C'est le contenu qui compte ...
Que je lui dis en tournant la tête, sans plus fixer la route.

- Et tu connais celle de la mouche dans la cuisine?
Elle le fixe et soupire d'un ton exaspéré, avant de détourner son regard méprisant de ce bout d'homme assis en face d'elle. Il reste interdit. Ouvre la bouche, cherche ses mots, la referme. Renonce. Il renonce. C'est pas sa faute non plus si le gars l'a mis dans cette bulle. Justement celle-là. Pas sa faute si la grand-roue a eu une panne. Eux tout au-dessus. Sa tête contre le carreau il se met à sourire doucement, un sourire tendre qu'elle ne soupçonnait pas. Les yeux perdus dans le vague, dans l'horizon qui s'étend sous eux il a une tête de rêveur. Elle se dit que quitte à rester coincée là, autant entamer la conversation.
- à quoi tu penses?
Sans paraître surpris il se tourne vers elle, regard confiant, méconnaissable avec le gros bêta et sa mouche de tout à l'heure.
- Imagine ...
Les yeux dans les yeux. Elle inspire fort. Trouble inattendu.
La grand-roue redémarre.

31-07-03

- chuut, tais-toi! tais-toi!
- mais y'a pas de bruit enfin, qu'est-ce qui te prend?
- écoute ... chuut ... écoute!
Debouts en plein milieu des bois, une nuit sans lune, on n'avait même pas pensé à prendre une lampe de poche.
- t'as entendu?
- merde, qu'est-ce que c'est que ça?
- à trois on court, ok?
Deux minutes, puis cinq, peut-être dix. Je sais pas durant combien de temps on a fait claquer nos chaussures dans la nuit, la peur au ventre, sans oser se retourner. Mais en tous cas il y avait quelque chose.
Tu l'as entendu, comme moi.
Dis pas non.

24-07-03

- Bonjour. Alors, que se passe-t-il? des améliorations?
- Non docteur, hélas! Toujours ce même cauchemar, je vais dormir et, à mon réveil, je suis sur la planète terre!!
- Mmm, je comprends, pauvre de vous, ça doit être horrible.

16-07-03

Comme des bâtons de réglisse sur lesquels s'acharnent les dents des enfants, comme le chewing-gum du trottoir qui s'éparpille ici et là sous les semelles des passants, comme ... l'esprit se disperse et part dans mille et une directions lorsque les décilitres défendus s'accumulent au fond de l'estomac. Je parle mais tu ne t'intéresses pas, mes délires se perdent ailleurs. Tes oreilles sont closes. Du temps. On n'en n'a jamais assez.
- C'est qui?
- Personne.
- Ils auront une heure de retard
- On aura le temps, alors, de respecter les limitations
Je ne veux pas faire partie du voyage, mais il a déjà commencé.

28-06-03

Hugo et moi avions bouclé notre rhéto par une Grande Distinction. Les profs chiants dont on avait saboté les cours toute l'année durant nous avait regardés d'un oeil mauvais. On s'en fouttait, on n'était pas là pour recevoir leurs félicitations, pas plus que cette stupide mention. On voulait juste démontrer qu'on saurait apprendre par nous-même, et ce jour de proclamation nous donnait raison. Mais bon, ça n'a pas été notre victoire, parce qu'on était salement en brouille. Je croyais qu'il n'avait fait aucun pas dans ma direction, durant ces trois années de silence. J'ai déplacé mes meubles lundi matin pour retapisser la chambre et j'ai trouvé par terre un petit morceau de papier tout chiffonné. Une écriture familière, au stylo :
"Tout est un peu à l'abandon depuis quelques temps, t'as remarqué?
On aurait dû arroser tout ça.
Même les fleurs sont en train de crever.
Même moi."
Nul besoin de signature, j'aurais pu reconnaître son écriture entre mille. Et merde!, dans un long soupir je me suis assise au milieu de la pièce et je n'ai plus bougé jusqu'au retour de Lou. Souvenirs, regrets, remords, un simple mot chiffonné et tout a giclé de mon cerveau comme le sang d'une veine sectionnée. Il allait donc falloir affronter tout ça, le temps de la fuite et de l'indifférence était terminé.

13-06-03

Mes longs bras osseux balançant le long de mon corps au rythme de mon pas, je marchais nonchalamment vers elle. J'ai traîné des jours et des nuits dans ce t-shirt et ce jeans usé. Je n'ai plus dormi depuis si longtemps que je ne me rappelle plus de rien. Je ne sais pas quel jour on est, ni où je me trouve. Je n'ai pas reconnu la tête croisée ce matin dans le miroir.
J'arrive à sa hauteur et m'arrête comme un automate.
- Prenez ces deux-là, et ouvrez grand la bouche que je vérifie si vous les avez bien avalés.
Je n'aime pas. Les blouses blanches. Et les barreaux aux fenêtres.

09-06-03

On coupe les phrases, on se dit pas tout
Mais on connaît le principal
Une l'aimait, l'autre l'aime; lui pas
N'en parlons plus
Les sourires continuent


25-05-03

Et quand tout sera fini, qu'on sera libérés des contraintes :
s'allonger dans l'herbe ou dans de grands lits, comparer nos mains pendant des heures en se racontant des histoires, puis ça nous fera rire, tu rouleras sur le côté comme pour cacher ton sourire, je m'étendrai comme si je m'éveillais d'un profond sommeil. Nous aurons la tête des gens heureux, les sourires béats ne quitteront plus nos visages.
Tout sera tranquille et calme et lorsque l'orage éclatera, on courra dehors sous la drache infernale, et nous aurons des éclats de rire comme des coups de tonnerre.

14-05-03

Il y a.
Le vent derrière la vitre qui s'acharne à tout balayer,
le ciel qui vient pleurer et crier par-dessous la porte.
Nous deux qui nous regardons avant de détourner la tête,
mieux qu'eux tous nous savons comment va finir la fête.
Est-ce pour ça peut-être?
Est-ce pour ça que nous ne sourions pas,
pour ça que nous sommes là, attendant que ça passe.
On n'a pas l'air heureux qu'il dit, à l'autre bout de la pièce.
On n'a pas l'air heureux. On est juste las.

09-05-03

On s'est dit qu'après tout, finalement ...
Un sourire et on s'engagerait sur l'autoroute en direction de Paris. Une envie capitale. Arrivés là-bas on ne s'arrêterait peut-être même pas. L'important ce n'est pas la destination, mais le voyage. Et se dire qu'à n'importe quel moment on peut s'en aller où on veut, tout laisser en plan, se prouver qu'on est assez fous pour le faire. Mais il n'y a que toi et moi, pour tenter ces choses-là.

29-03-03

Croisé Charles en début d'après-midi qui m'a dit en regardant mon t-shirt d'un air hautain "Au soleil, le sang séché ça fait tache." Eu envie de lui taper très fort mon poing dans le nez, jusqu'à m'en défoncer les jointures. Me suis retenu. Lou et sa cousine étaient assises plus loin sur les marches, ça avait bien plus d'importance.

09-03-03

Sur mon bureau j'avais griffoné un bonhomme enfermé dans un bocal. Pur hasard, à cet instant un poisson flotte dans ma tête. J'ai dit bonsoir au monde et puis je suis partie me coucher. Et alors dans le noir, seule brillait encore la petite veilleuse en forme d'étoile, que Lou m'avait offerte pour mes 6 ans.

14-02-03

Il a sur son bureau des points d'un restaurant chinois, un accordeur et un mediator qui l'informent qu'il joue de la guitare. Il lui écrit, et ne manque jamais de mentionner qu'il pense à elle. Il a un humour naturel, pas besoin d'en faire trop, une simple phrase ici ou là et elle sourit. Il dit qu'il aime bien se perdre sous sa couette, et elle a envie de lui demander si un jour ils s'y perdront ensemble. Comme toi, "small is beautiful", si elle ne le connaissait pas elle pourrait penser qu'il la drague, mais non, juste qu'il dit ce qu'il pense. Il n'attend rien en retour, il est là et c'est tout, elle le sait. Elle a envie de raconter tout ce qu'il lui écrit tellement c'est beau, et doux et tendre à la fois. C'est comme une plume qui viendrait se déposer doucement sur le cœur, vous voyez ? Pourquoi elle ? Il lui a écrit une page entière de "parce que". Et c'est peut-être la plus belle lettre qu'elle aie jamais reçue. Elle a envie de lui dire Ne cherche plus, l'autre moitié du roman c'est moi. Au moment où elle pense à lui Dean Martin chante "Everybody loves somebody sometime, everybody falls in love somehow".
Alors si pour une fois on disait que la vie est simple, tout ce qu'elle aurait à dire pour que l'histoire commence c'est "J'aime Toi".
Mais c'est un secret, alors il ne faut pas le répéter.

26-01-03

C'est lors de son séjour à Istanbul que Lou l'a revu et cette fois-là elle s'est dit que tout de même, le monde est petit. Aujourd'hui elle me harcèle depuis son réveil pour essayer de retrouver son nom. Lou est matinale. Elle et moi avons des caractères et des manières de vivre totalement opposés, on nous appelle les complémentaires. Lou est ma cousine et bien sûr nous avons le même âge. Elle a failli mourir à sa naissance mais ça c'est une autre histoire. Aujourd'hui donc, assise en tailleur sur mon lit depuis trop de minutes pour les compter, elle essaye de raviver ma mémoire pour retrouver "le" nom.

- Mais si tu sais bien, vous étiez inséparables en 5° et 6°, vous vous étiez acheté les mêmes chaussures et vous passiez votre temps à rendre folle la prof d'Espagnol parce que vous étiez partis un mois ensemble en Catalogne et vous parliez toujours en catalan uniquement pour saboter son cours.
- Quelle importance ça a aujourd'hui? Ce n'est qu'un nom Lou, je vois à peine de qui tu parles!
- Mais c'est pas possible, enfin, vous étiez comme les deux doigts de la main, comment t'as pu oublier?
- J'ai juste arrêté de m'en souvenir.

Lou a poussé un soupir et est descendue me préparer un chocolat chaud. Dans ma tête je revois le jour où tout s'est arrêté, la dispute, et notre livre préféré duquel il avait arraché des pages, sa façon à lui d'exprimer sa colère, sa grande colère. J'avais écris à la fin du livre "Nos déconnades plurielles n'auront plus cours dans cette vie, on dirait." Puis j'avais déposé le livre sur la table du salon, je me suis assise sur les marches où j'ai remis mes chaussures, j'ai noué mes lacets le plus calmement du monde, je les ai noués pour de vrai, comme il m'avait appris (ce fut la dernière fois), je me suis ensuite levée et j'ai franchi la porte, sans un mot, sans me retourner. Têtus comme nous étions, nous ne nous sommes jamais plus ni reparlés ni revus. Je suis sûre qu'il a comme moi cette impression que le monde ne s'en est jamais remis. Aux questions de nos proches nous n'avons jamais répondu et il suffisait qu'on l'évoque pour que je me retire des conversations. Mais Lou l'avait croisé au détour d'une ruelle à Istanbul et la connaissant, elle n'allait sûrement pas laisser ça sans suite ...

20-01-03

Cet été-là
Ta tête contre la mienne, allongés sur le dos
le ciel sera bleu et dans les nuages blancs, des formes.
Je te dirai comme un secret :
- Duteil a écrit "J'ai pleuré pour des nuages"
Tu me répondras doucement d'un air songeur :
- Je comprends
Et même si on nous force à la quitter,
l'enfance restera en nous. Et ça nous console.

04-01-03

Ses conversations m'ennuyaient depuis quelques temps déjà.
Il semait le trouble dans mon esprit.
Sa paranoïa n'était plus la mienne, pas plus que ses craintes.
Il ne servait à rien de continuer davantage.
Je lui ai dit de se taire.
L'ami imaginaire s'en est donc allé.
- Plus jamais je ne reviendrai, tu le sais ça?
- Oui, a-t-elle répondu en ouvrant les yeux.
C'était un beau jour pour renaître.

29-12-02

- c'était bien hier? qu'est-ce que vous avez fait?
- on a fait ce qu'on voulait
On a fait un pique-nique par terre en plein milieu du salon, en écoutant du Boris Vian et en chantant à tue-tête sur la complainte du progrès puis on a parlé du matérialisme, on a dit que nous, nous on s'en fout, on n'a besoin que de nous et c'est tout ce qu'il faut pour être heureux, pour encore des jours entiers. Puis la neige a commencé à tomber dehors, parce qu'on voulait qu'il neige et puis que c'est venu comme par magie alors on l'a laissée tomber et quand elle a fait plusieurs bons centimètres on est sortis faire une bataille puis à bout de souffle on s'est effondrés par terre et on a fait des anges, en bougeant nos bras et nos jambes. On s'est regardés, on a sourit, comme toujours. On est rentrés se réchauffer, assis devant le feu ouvert on a regardé un faux film, avec le son coupé on inventait toutes les paroles et on ne savait plus se rattraper de nos fous rires. Puis le soir est arrivé, alors on est montés voir les étoiles scintiller sur le plafond de la chambre, en buvant des grenadines.
C'était bien. On a fait ce qu'on voulait.

16-12-02

Buée sur la vitre.
Je n'avais plus fait ça depuis des années.
J'ai repensé à samedi, j'ai repensé à vous.
Alors avec mon doigt, j'ai dessiné ce qui avait pris place dans ma tête.
Un sourire. Tout grand.

06-12-02

- Pourquoi s'en faire?
- Parce que je sais pas, c'est comme ça
- Tu vois le froid dehors? Regarde-nous, bien au chaud, en pleine mini révolution, on mange des glaces pour se moquer du froid, après on rit aux larmes parce qu'on se trouve bêtes, ça pique aux dents ...
- Tu as raison, on mange des glaces en plein hiver, pourquoi s'en faire? pourquoi s'en faire?
Eclats de rire par milliers, pirouettes et poiriers.
Avec toi c'est toujours la Dolce Vita.

30-11-02

Les lettres, t'y répondais plus
Et le téléphone, tu le décrochais plus.
Alors j'ai arrêté d'écrire,
J'ai arrêté d'appeler.
Aujourd'hui tu m'reproches d'avoir coupé le contact,
Tu sais pourtant que j'ai jamais eu d'auto.

09-11-02

Les mains sur les yeux.
- C'est qui?
- Devine ...
- Anatole? Barnabé? Eugène? Matéo?
- Ah ah, tu connais vraiment tous ces gens?
Regards complices. Elle lui saute dans les bras, lui fait un bisou sur la joue, un gros qui pétille dans un *smack*. Il rit et ses fossettes lui donnent l'aspect d'un enfant amusé. Bien sûr ils sont jeunes, et beaux. Et les phrases qui suivront seront : "Tu n'as pas changé", "Toi non plus".
Mais la suite ne regarde qu'eux. Alors chut.

01-11-02

Il m'a dit "Regarde" en faisant un signe de tête vers la droite. Elle était là à quelques mètres de nous, entourée de plusieurs amies, elle avait un rire plein de vie, elle était heureuse. Mes yeux sont revenus sur lui, si content d'être avec elle, plein d'espoir et confiant en l'avenir. Presque fier. Je me suis demandé s'il serait à la hauteur, s'il saurait la consoler, si leur couple tiendrait le choc. Je détestais mon rôle à ce moment. Je les observais tous deux d'un air grave, elle avait soudain l'air si fragile. Comment donc lui annoncer cette si terrible nouvelle?

29-10-02

Il y a autant de couleurs de feuilles qu'il y a d'automnes, les automnes rouges, les oranges et jaunes, les plutôt déjà noirs, tous les autres. Vas-y, annonce la couleur. L'histoire suivra.

27-10-02

Il y a cette histoire, tu sais, absolument trop belle que pour être racontée. Alors je vais me taire. Tout restera entre nous. Et les étoiles, douces confidentes.

19-10-02

là je souris et je pense à qqn qui n'est pas toi, qqn qui vient demain et à qui je ne serai pas honteuse de montrer le bordel ambiant qui règne dans ma chambre, qqn qui a vu ma tête abîmée et n'a rien dit, qui a juste passé un doigt sur la plaie avant de me dire bonjour, qqn à qui j'écris des textes d'une page, qqn qui aurait pu être n'importe qui, mais qui n'a pas été toi

ils frappent à la porte, je les entends, mais je ne sais pas s'il est nécessaire de faire entrer les regrets
Tu m'as trouvée
Disloquée
Au pied des escaliers
Je te jure que
Je ne l'ai
Pas fait exprès.

12-10-02

Quand tu voudras je te tiendrai la main et on s'en ira, on ira vivre où tu veux, on écrira des poèmes qu'on laissera ensuite s'éparpiller avec le vent. On criera des chansons à tue-tête, on tournera sur nous-mêmes en écartant les bras et en regardant les étoiles. On se racontera des souvenirs jusqu'à en avoir les larmes aux yeux, en marchant le soir dans les rues. On fera un tas de feuilles mortes dans lequel on se jettera, on grimpera dans les arbres pour attraper les chats, on courera avec nos lacets défaits, on aura les joues toutes rouges, mordues par le froid de l'hiver et les yeux tout brillants quand le soleil se lèvera. On dira bonjour aux arbres, on cueillera des paquerettes, on trouvera une étendue d'eau gelée sur laquelle on se risquera, puis on fera comme si on faisait du patin à glace, et on dirait qu'on serait amoureux. Pour la vie entière.

05-10-02

Tu marches dans la rue, j'te reconnais plus. J'te reconnais plus.
Tu dis que si on t'approche tu nous pèteras la gueule.
Je me demande si tu le ferais vraiment. Honnêtement, arrête ton cirque.
La giffle me laisse une marque écarlate sur la joue droite.
T'as les yeux rouges, un visage plein de haine. J'ai pas peur.
Tu me dis "Toi t'y connais rien de toutes façons". Je bouge pas.
Tu jettes un dernier regard dans ma direction, transperçant comme un poignard.
En chantonnant Monochrome de Tiersen dans ma tête, je rebrousse chemin.
Nos au revoir n'intéressent personne.

27-09-02

Se laver les yeux à l'eau de javel, pour faire partir tout ce qu'ils ont vu.

19-09-02

Ouvre les yeux. Le monde est égoïste. On ne pense qu'à soi.
Personne ne parlera de nous quand nous serons mortes.
Titre de film. Réalité fabriquée.
Les voix se sont tues un matin d'automne.
Et de nos plaies suintent des flots de regrets ...

12-09-02

- T'as déjà tué quelqu'un?
- Moi ça compte?
- T'es conne ...
- Regarde. Regarde mon bras. Détourne pas la tête! Regarde bien. Si je tords un peu la peau ça se rouvre, t'as vu? Et si je continue tout se déchire. Et le sang sort tout seul, très vite, comme libéré.
- C'est dégueu, arrête ça
- C'est moi aussi ça. T'acceptes pas mais pourtant c'est moi aussi.
- Pourquoi tu fais ça? Hein? Pourquoi?
- C'est le seul moyen pour éteindre le vacarme dans ma tête; que la douleur physique devienne plus forte que la douleur morale ...
- T'es folle
- On est tous fous, c'est le chat qui l'a dit
- Tu m'emmerdes avec tes conneries
- Tu m'emmerdes à jamais rien comprendre

09-09-02

Tu m'as supplié de ne rien faire, d'attendre, de ne pas partir sans toi. J'ai pensé que nos promesses ne valaient plus pour cette vie-ci. J'ai marché de l'autre côté de la ligne qu'on nous interdisait de franchir. Je me suis laissée glisser dans l'ivresse de n'être plus rien pour personne. Tu t'étais mise en route, tu étais partie à ma recherche. Et cette grande ville inconnue, le danger à chaque pas. Je le savais. Je t'avais prévenue qu'il ne fallait pas. Tu te fouttais des prudences, comme du reste. Tu m'avais répondu "compte pas sur moi pour abandonner ma soeur". Ce jour où on avait mélangé nos sangs, quand je m'étais sectionné l'avant-bras. De mes yeux coulent tous mes regrets, ils tombent sur le journal que j'ai dans les mains. Ouvert à la rubrique Nécrologies.

01-09-02

Il était heureux tout simplement que le ciel lui prête l'immense chance de vieillir à ses côtés, et d'être amoureux. Ils s'échangeaient des petites étoiles, les trois petits mots sans lesquels la vie serait bien morne disait-il. Elle était morne la vie, en effet, depuis un an, des ersatz incompétents n'avaient fait que rajouter à la fadeur, aux regrets. Elle pensait qu'elle avait le temps, le temps de se sortir de ce mauvais pas, le temps de se trouver. Si c'était à recommencer, ne rien changer ou presque, car à part des brouilles sans intérêt, tout était pour le mieux, dans le meilleur des mondes. Il disait "je t'aime tant que le soleil est jaloux de voir briller notre amour plus fort que lui". Là elle se dit que c'est bien vrai, l'esprit humain souffre d'une carence intellectuelle fondamentale : pour qu'il comprenne la valeur d'une chose, il faut qu'il en soit privé.

27-08-02

Dehors. Dehors des gens crient, des gens hurlent pour essayer de se faire entendre. Dehors des corps gisent sur le sol, calcinés. Je me dirige vers le lavabo, l'orage a flingué ma nuit, plus de deux heures maintenant que ça dure. Du sang. Du sang coule du robinet. Vision apocalyptique. Il est presque sept heure, aujourd'hui le jour ne se lève pas. Le jour ne se lèvera plus. Le chaos, la furie, le fracas. Nous sommes condamnés à vivre avec tout cela. Les éclairs zèbrant le ciel, ça va devenir notre quotidien. Les parapluies ne servent à rien : les pluies sont acides. Tous cloîtrés à l'intérieur de nos murs, tous prisonniers du dernier endroit où on s'est rendus avant l'orage. Avant l'Orage. Avant la rage. Avant que le ciel ne crie toute sa colère contre la terre. Impossible de l'arrêter, de le faire taire. C'est de la folie. La folie du ciel. Avec des coups de tonnerre comme des coups de canon, et la mort s'insinue dans votre esprit. L'impression d'être en guerre, que des bombes tombent sur le pas de la porte, se demander si le voisin a été touché. Combien de personnes seront mortes cette nuit? Combien encore à venir? Sacrifices humains pour contenter on ne sait qui, pour punir d'on ne sait quoi. On porte sur nos épaules les erreurs de l'humanité entière, depuis le Commencement. Aujourd'hui on paye. Cash. Terrifiés, comme des enfants, on enfoui notre visage dans nos mains, on se cache sous des couvertures, on bouche nos oreilles, on ferme les yeux. Mais c'est plus fort. Ça gronde encore, jusqu'à faire trembler les vitres, les murs, le sol. Je regarde par la fenêtre, je vois quelque chose courir très vite, et je le vois se faire assassiner, foudroyer. Mon espoir. En pleine place publique. Effroi. Frissons. Terreur. Des yeux de morts écarquillés, refusant la vérité du monde. Refusant la mort.
Mes parents à vendre pour un simple cactus.
J'ai égaré mon identité. La folie.
La folie de l'extérieur s'infiltre dans mon être.

22-08-02

L'ambulance retentit encore à des kilomètres. Ç'aurait pu être toi, ou moi. Et tout se serait arrêté ici. Bêtement, sur une dispute, sur des mots qui déchirent et des rivières sur les joues. Sur des mensonges, parce qu'on ne pense jamais vraiment les mots blessants qu'on dit à ceux qu'on aime. Il n'y aurait eu de temps ni pour les pardons, ni pour les réconciliations, ni même pour les nouveaux départs. Rien de tout cela. Tout serait parti d'un coup, avec l'ambulance. Un frisson me parcourt le dos, et je mesure à quel point ce serait impossible de continuer, sans ta vie dans la mienne.

21-08-02

La nuit y'a pas d'éléphants. Robert est petit et écrasé par une pile de classeurs. L'étiquette farfelu accrochée au mur est à l'envers, le vent a soufflé trop fort. E.T l'extraterrestre crache des Pez à la cerise. Sous le bureau il ne reste plus qu'un paquet au citron. "Moi j'm'en fouts, j'bouffe de tout", dis-tu en rigolant d'un sourire édenté.

20-08-02

Les yeux grand ouverts. Les pupilles dilatées.
Au plafond un trou se forme et l'aspire, l'engouffre.
Elle a une tête de Jivaros, réduite à la douleur.
Tu étais son miroir, qu'elle a brisé d'un geste maladroit.
Depuis, plus personne, plus rien, plus de vrai.
Et pour les six années à venir? se demandent-ils.
Idem ... idem.

17-08-02

Je suis arrivé en retard, comme à mon habitude. Tout le long du chemin j'ai réfléchi à ce que j'allais bien pouvoir te raconter, encore. Tu m'attendais, calme et patiente, un grand sourire aux lèvres. Plantée devant moi tu n'as rien dit, alors j'ai ouvert ma bouche et des mots sont sortis. Une souris m'avait volé mon écharpe, ma petite soeur s'était encore coincée dans un arbre en jouant au cerf-volant, j'avais oublier d'arroser le bananier au fond du jardin. J'en déballe de plus en plus au fur et à mesure que tes yeux s'illuminent. Ton rire ponctue chacun de mes propos. Peut-être est-ce le moment que tu préfères dans nos rencontres, celui où j'arrive en retard. Je sais que tu n'es pas dupe et quand à court d'imagination je m'arrête enfin, tu me dis toujours la même phrase d'un petit ton moitié moqueur moitié gentil, celle d'Auster, écrite sur la première page de tous tes livres : "Les histoires n'arrivent qu'à ceux qui savent les raconter".
Le cul-de-jatte du coin de la rue venait de me piquer mes chaussures, des chats avaient accroché des boîtes de conserve à mon manteau, j'avais troué mon pantalon en me faisant renversé par un tricyle. Il n'en fallait pas plus pour qu'ils me considèrent comme l'un des leurs, me proposent un coin de carton et une lampée de Schnaps.

13-08-02

Tâtée. Palpée. Mesurée. Pesée.
Touchée. Sentie. Embrassée. Salie.
Ils ont testé sa conversation, ses humeurs, ses éventuelles concessions, ses promesses, ses limites.
Ils ont mis à l'épreuve sa patience, sa sagesse, sa folie, son courage, son moral, ses principes, son amour.
Ils ont fixé leur regard sur l'étiquette accrochée au poignet.
Il était écrit dessus "N'est pas à vendre".
Alors ils ont écarté grand les bras, se sont fâchés tout rouges, ont crié des mots vrais mais seulement dans leurs têtes.
"Tu crois que tu n'as pas de prix, que je ne suis pas assez bien, que je ne te mérite pas ou que tu mérites mieux?".
Il y a eu la colère, les insultes, les coups bas.
Puis la porte a claquée et le silence s'est répandu partout, apaisant les blessures, séchant les larmes.
Ils n'ont pas regardé, pas observé, pas prêté attention.
Ils n'ont pas vu que partout, il était inscrit en grand "Gratuit, ne peut être vendu". Dans ses gestes, ses paroles, ses attentions, ses caresses. Il n'y avait que ça. Mais!
Mais le cerveau malade des hommes tous les matins à l'aube ...
et leur incapacité à réaliser que c'est possible. Que ça existe.

11-08-02

Encore une nuit sans sommeil. Les libellules sont loin.
Ses promesses prennent le large, tout comme ses résolutions.
Elle savait que pour se construire un avenir, elle aurait du accepter le passé. Alors elle vit au présent. Elle parle en maintenant et aujourd'hui, au lieu des hier et la semaine prochaine. Parce que de toutes façons il est mort. Il ne sera plus là pour tenir sa main, plus jamais jamais. Alors ça ne vaut plus la peine. Mais tout de même, carpe diem, ça elle s'en souvient.

09-08-02

Date imprécise. Mélancolie artificielle.
Fracassée contre un mur. Même pas mal.
Personne ne s'arrête. Les secours ne viendront pas.
C'est mieux ainsi.

06-08-02

 - Et les pingouins d'Amérique, tu y as pensé? Les pauvres ...
Il l'a regardée d'un air médusé, il n'a pas eu le temps de dire un mot qu'elle s'enfuyait déjà loin. Il l'a suivie du regard, elle a remonté tout le sentier en courant. Il ne savait pas ce qu'il avait bien pu dire pour la blesser, ce qu'il avait bien pu dire de travers pour qu'elle lui crie ça en sanglotant. Il est resté planté là, comme un imbécile, a poussé un long soupir, s'est gratté le front et a pensé en lui-même "Je n'y comprendrai jamais rien aux filles". Il ne le sait pas mais c'est ce jour-là que Bruno a renoncé, c'est à ce moment précis qu'il a abandonné sa quête, qu'il a arrêté de trouver une réponse à la beauté du monde.

03-08-02

Je marchais dans la rue, tous les passants se retournaient sur moi. D'autres s'écartaient brusquement, ouvraient grand la bouche et criaient, mais de leur bouche ne sortait aucun son. Ou peut-être était-ce moi qui ne les entendais pas. Je voulus porter une main à mes oreilles mais je n'y arrivais pas, je me retournai alors pour faire face à une vitrine de grand magasin. Horreur. Je n'avais plus d'oreilles, mais bien pire, mes avant-bras avaient été arrachés, ne restait plus que des moignons, inertes et sanguinolents. Observant mon reflet, je constatai que je n'étais plus que la moitié de moi-même. Je n'avais pourtant rien senti, je n'avais pourtant rien remarqué. Qu'avait-il donc bien pu m'arriver? Un éclair fracassa le ciel et l'effroi emplit mon visage. Nous venions de nous rencontrer, au petit café du coin, et tu m'avais promis que jamais tu ne me ferais du mal.

02-08-02

Aide un aveugle à traverser, tu recevras un coup de canne.

01-08-02

Et des passants livides, les têtes penchées vers les pavés, s'effondreront un jour, comme des gouttes de pluie. S'abbateront sur le sol comme un point à la ligne. Et n'auront rien vécu, tout ça pour rester dignes.
"Prenez toutes ces feuilles que j'ai remplies de ma sale écriture. Toutes celles qui jonchent le sol de la chambre de bonne que j'habite, prenez-les toutes, ne m'en laissez pas une. Et donnez-les à manger aux cochons."
L'hiver sera rude et aujourd'hui Hugo a perdu espoir.
Sourire en coin, tu marches devant eux, d'un pas satisfait.
Tu ne te retournes pas.
Tu sais que quand tu te décideras à le faire, ils auront disparus
Tes vieux démons.

31-07-02

James était un emmerdeur de première, tout le monde se doutait qu'un jour ou l'autre ça lui retomberait dessus, mais personne ne savait quand. Et c'est arrivé. 04 juillet : fête nationale. James était tout ce qu'il y a de plus américain, autant dire que pour lui, ça avait vraiment été sa fête. Les autres du milieu l'avait pourtant prévenu qu'il était temps qu'il arrête de fourrer son nez partout mais que voulez-vous, son signe astral était balance, il avait ça dans le sang. Ils l'ont coincé au coin de la 4ème avenue quand il est descendu de sa voiture, il s'y attendait pas. Deux gorilles l'ont empoigné par derrière, un petit gringalet lui a collé son poing bien profond dans l'estomac et trois autres types ont pris le volan de sa voiture pour aller la balancer dans le fleuve. Ils ont traîné James dans un coin sombre et lui ont dit que cette fois il fallait payer et ils ont ajouté "la note va être salée". Le gringalet a attrapé une barre d'acier et a cogné deux fois sur James, histoire de le mettre k.o mais pas trop, ils voulaient à tout prix qu'il voit la mort en face. Le gringalet a ricanné et a dit à James "ce coup-ci, on te propose une affaire en béton". Puis il a claqué des doigts, les gorilles ont empoigné James et lui ont mis les pieds dans un bac de ciment frais. "Inutile de te démener, c'est à prise rapide !". Pour être rapide, ça l'avait été ! En moins d'une heure James avait été expédié à 4000 lieues sous les mers, enfin, façon de parler. Personne ne sait qui était ce gringalet ni à quel gang il appartenait mais tout le monde en a déduit la même chose : cette fois, James s'était sûrement frotté aux plus gros requins du business. Et ça, c'est comme les oursins, qui s'y frotte s'y pique. De là où il est, James doit sûrement approuvé …
On sait qu'un rêve s'est brisé quand on ne sourit plus pour une plume qui vole.
Un homme titube sur le bord de la route.
Trois coccinelles se tiennent par la main.
Elles se préparent à traverser.
Le pied de l'homme divague, se pose enfin
... et ça croustille.
La vie ne tient qu'à un pas.

30-07-02

"Il y a des soirs où l'on ne dort pas, où l'on n'arrive pas à dormir, parce que des mots valsent dans notre tête, se tiennent par la main et font des farandoles, forment des phrases qu'on voudrait partager. Il y a des moments où on est poussés à écrire, où c'en devient presque un besoin vital, d'adresser des mots à des personnes qui comptent, ou qui ont compté, et à qui on n'a plus écrit depuis longtemps. Souvent tellement longtemps qu'on a oublié les raisons du pourquoi. Le stylo n'a pas de mémoire lui, juste de l'encre qu'il déverse encore et encore tant que la main qui le tient accepte de le nourrir. Puis il y a des lettres qui ont besoin d'être écrites parce qu'il y a des histoires qui ont besoin d'être terminées. Tu connais ça. La vie est faite de moments, de siècles, d'époques, de périodes. L'humain a toujours divisé son temps proprement, pour y voir clair sans doute, pour mettre de l'ordre, aussi. Alors pour toutes ces choses et d'autres encore, j'avais besoin de t'écrire, aujourd'hui, ce mercredi 5-2-02, à 01h58 du matin." Les mains de Camille tremblent, elle n'ose pas continuer la lecture de cette lettre froissée, retrouvée dans une pile de vieux papiers. Cette lettre qu'elle n'a jamais envoyé et dont elle avait complètement oublié l'existence. "Bonsoir Manon. Ceci est une ultime lettre, une ultime intrusion dans ta vie. Parce que parfois pour aller mieux et retrouver le bleu du ciel, il faut lâcher du lest, mettre tout en ordre, fermer la boîte et la ranger, doucement et soigneusement, dans une petite armoire qu'on appelle le passé. C'est ça le but de cette lettre. Te dire que je connais les regrets et le remord mais que tout s'arrange un jour et qu'il ne sert à rien de se torturer à tort. Parce que la vie est trop courte et nos ailes ont trop envie de voler pour qu'on les garde plus longtemps pliées dans notre dos. Tout le monde blesse et est blessé un jour ou l'autre. Mais c'est parce que la vie ne peut pas être simple, c'est tout. Quand on comprend ça et qu'on l'accepte il y a un volcan bouillonnant en nous qui s'apèse, enfin, il y a des chaînes qui se délient et libèrent, surtout. La fatigue m'empêche de m'exprimer comme je le voudrais mais je sais qu'au fond de toi tu comprends. Merci de m'avoir lue Manon. Et si on ne devait plus se revoir, sache au moins qu'ici il y a une amie qui t'attend." Les larmes ont coulées comme des rivières sur les joues de Camille. Après être partie à Madagascar parce que son père était muté, Manon n'est plus jamais revenue. Elle avait contracté une mauvaise maladie et ça a ruiné sa santé déjà trop fragile. Manon n'a jamais reçu cette lettre mais d'où elle est aujourd'hui, Camille sait qu'elle comprend.

29-07-02

Charentaises et autres sandwiches.
Tout ira mal aujourd'hui, heureusement que vous avez encore votre lave-vaisselle.
Les jours de grosses chaleurs, Martin a les mains moites et les joues qui transpirent. Martin est tellement crédule qu'il pense qu'en mettant du déo efficacité 24h, il est blindé jusqu'au lendemain. Il croit qu'on ne verra pas sa chemise bleu clair virer au foncé. Les jours de grosses chaleurs, Martin véhicule une odeur qu'il serait amical de qualifier de nauséabonde. Et il se demande encore pourquoi, les jours de grosses chaleurs, ses connaissances changent de trottoir et lui font bonjour de loin. Pauvre Martin.

28-07-02

Les golden sixties - leur teinte cauchemardesque
Les hallucinés - leurs mauvaises descentes
Les délires révolutionnaires - Kennedy, le Vietnam, Nixon
Les célébrités - leurs overdoses
    ...
Je sais, tout cela a un côté stupéfiant.
Maintenant qu'elle avait conquis son petit public et que le premier groupe de fans se créait, elle agissait avec plus d'assurance. C'est sûr, même si ses photos de mode avaient maintes fois été critiquées pour le manque de professionnalisme, Johanne voyait l'autre côté des choses et se réjouissait de ce qui lui arrivait. Elle avait maintenant un pied dans le métier, des gens qui s'intéressaient à elle et un nouveau copain fidèle, tellement que ses anciennes fréquentations l'avait gentiment surnommé toutou. Johanne n'y prêtait plus attention, elle se disait au-dessus de ça. Ses anciens compères utilisaient plus volontiers le mot prétentieuse. Leur prétendue amitié s'était brusquement achevée lorsque Johanne avait choisi le chemin de la gloire. Oui, elle le reconnaissait, Roberto Fugace avait surtout été photographe dans le milieu porno, mais tout était différent à présent. François, son ex dont elle semblait avoir honte aujourd'hui, et les autres personnes de son passé avaient eu beau la prévenir et la mettre en garde, les mots jalousie et peur du changement sortaient de la bouche de Johanne à chacune de leurs rencontres. Pour elle, il avait fallu choisir, et sa soif d'or et de célébrité l'avaient vite convaincue. Dans chacune de ses interviews ressortait sa grande histoire d'amour totalement romancée qui avait, ô signe du destin, débuté en même temps que sa carrière prometteuse. Elle cracha sur son passé comme on extirperait un gros mollard coincé sur les amygdales : bruyamment et de façon disgracieuse. Les vieux potes furent déçus mais finirent par se dire qu'ils avaient agi pour son bien et que sa réaction prouvait qu'elle n'en valait pas la peine. L'histoire fut avalée dans le flot d'autres qui illustrent trop régulièrement la presse people et une année plus tard, tout semblait enterré. C'est précisément à cette période que Roberto Fugace fit son grand retour. Le photographe avait été gentiment renvoyé mais la somme astronomique versée à l'époque n'était plus aujourd'hui qu'un vague souvenir. Toutes les portes s'étaient mystérieusement fermées à lui et l'argent commençait sérieusement à manquer. Aussi décida-t-il, à la veille d'une grande soirée de gala présidée par Johanne, de faire parvenir à ses anciens collègues quelques clichés bien choisis. La presse sortit ses dents carnassières et ne fit qu'une bouchée de Johanne. Son ancien milieu avait eu pitié d'elle mais n'avait pas pu s'empêcher de s'en laver les mains. Désormais si elle voulait poursuivre une carrière, ses seuls employeurs seraient Newlook and Co.

26-07-02

C'était à une soirée où chaque invité devait être en possession d'un carton, ou avoir son nom sur la liste pour pouvoir entrer. Le genre de soirée qu'il détestait, trop restrictif à son goût. Il avait accepté quand même, par obligation, parce que c'était organisé pour l'anniversaire d'une vieille connaissance. Heureusement que sa petite chérie avait pu l'accompagner, sans elle, regarder des bourgois prétentieux se bourrer la gueule n'aurait rien eu de drôle. Quand ils ont eu assez rit elle lui a fait ce sourire qu'il connaît par coeur, depuis les 4 ans qu'ils sont ensemble, celui qui veut dire "viens, il y a mieux dehors". Alors ils se sont dirigés vers la sortie, en évitant les quelques chiants qui auraient pu tenter de les retenir. Une fois dehors ils ont fait la course sur toute la longueur du pont, évidemment elle a gagné, il la laissait toujours gagner. Puis quand il est arrivé près d'elle, tous deux essouflés, ils se sont assis. Elle s'est blottie contre lui et lui a dit "Regarde". Il a levé la tête, être là près d'elle avec un ciel aussi magnifique, il s'est dit qu'à l'avenir il accepterait toutes les soirées pourries, pour peu qu'on lui promette qu'elles finiraient toujours de la sorte.
Il lui avait dit de ne pas s'en faire, que les méchants loups ne se cachaient plus dans la forêt à notre époque. Alors elle est partie sur le coup de midi, mais n'est jamais revenue. On a retrouvé son petit corps inerte, gisant dans une mare de sang, sur un petit sentier du Bois d'Octobre. Douze coups de couteau et un bras déchiqueté dont on pense que c'est l'oeuvre d'un pitbull. Depuis ce jour leur exemplaire du petit chaperon rouge a quitté la bibliothèque. Depuis ce jour l'assassin court toujours.

25-07-02

Elle adore se dire "aujourd'hui est le premier jour du reste de ma vie". Elle se le répète quand elle voudrait que le passé soit loin, quand elle voudrait recommencer avec du neuf. Quand elle ose quelque chose qu'elle n'aurait jamais fait avant, quand elle a l'audace de sourire, d'ouvrir ses bras tout grands et de tourbillonner sur elle-même, en marchant dans la rue, sans se soucier du regard des passants. Dans sa chambre elle a peint en gros caractères Smiling is contagious, so let's get sick puis à côté elle a plaqué sa main, sur les lattes du plancher elle a fait des pas, même pas exprès, le pot s'était renversé, elle a pataugé dedans. Son rire est éclatant et elle, merveilleuse.
- Pourquoi vous avez éjecté Jean-Yves du groupe?
- Il était chiant à répéter sans cesse "Putain de machine".
- Tu as été long avec Katherine, de quoi vous parliez?
- De ketchup.
- Tu te fouts de ma gueule?
- Non.
- Il va pas bien, il est en dépression, il a balancé son chat par la fenêtre.
- On s'en moque, on l'aime pas et c'est pas demain la veille que ça nous prendra.
- Vous êtes quand même dégueulasses tu sais.
- Il est impossible de satisfaire tout le monde.
Ecrire pendant la nuit, après ils iront danser.
Et ça n'aura rien d'une banale histoire.